vendredi 12 avril 2019

Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète... Est-ce grave ?

Par la plus grande des coïncidences, le 1er avril, la ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, a divulgué à Radio-Canada le dernier rapport officiel de son ministère sur les changements climatiques, le jour même de l’imposition du nouveau régime de taxe sur le carbone de son gouvernement dans quatre provinces.

Le Téléjournal de Radio-Canada a claqué des talons, s’est mis au garde-à-vous et s’est fait la caisse de résonance de ce rapport « alarmant ». Céline Galipeau lançait l’émission du lundi soir sur fond de musique menaçante, les basses continues vibrant : « Un rapport alarmant : le réchauffement climatique deux fois plus rapide au Canada qu’ailleurs sur la Planète ». Suivent des images dramatiques de sols asséchés, d'ours polaire esseulé, de falaises glaciaires qui s’effondrent, le tout ponctué de « très préoccupant », « données inquiétantes » ou « dramatique ».


Musique dramatique au début, à la fin on annonce une nouvelle tempête de neige pour la première semaine d'avril 2019...

Selon Radio-Canada, « Le Canada se réchauffe, en moyenne, à un rythme deux fois plus élevé que le reste de la planète, et le nord du pays se réchauffe encore plus rapidement, selon un rapport d’Environnement Canada rendu public lundi. Le document, intitulé Rapport sur les changements climatiques au Canada, indique que, depuis 1948, la température moyenne annuelle sur la terre ferme au Canada s’est réchauffée [sic] de 1,7 °C, les taux étant plus élevés dans le Nord, les Prairies et le nord de la Colombie-Britannique. Dans le nord du Canada, la température moyenne annuelle a augmenté de 2,3 °C. En comparaison, selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis, depuis 1948, les températures moyennes mondiales ont augmenté d’environ 0,8 °C. »

L’animatrice Rosemary Barton du National de la CBC a lancé l’émission du lundi soir en augmentant le volume alors qu’elle annonçait le « Rapport sur les changements climatiques au Canada » rédigé par « des scientifiques d’Environnement Canada » en ces termes dramatiques :

« Ce soir, un avertissement terrible pour le climat du Canada. Le pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Selon pratiquement tous les scientifiques du climat, le changement climatique est déjà là. Les températures ont augmenté et devraient continuer à augmenter avec des conséquences dramatiques et de plus en plus catastrophiques. Et aujourd’hui, nous apprenons qu’au Canada, c’est le double. Un rapport gouvernemental d’Environnement et Changement climatique Canada, fruits d’années de travail, confirme que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Loin d’être un refuge, le Canada a été en plein en ligne de mire du climat. Et à moins d’actions radicales à l’échelle planétaire, cela continuera. »

Est-ce grave ? Est-ce important ?

Mais est-ce grave ? Est-il si évident qu’il s’agit d’une mauvaise chose ? Et ces chiffres indiquent-ils un événement important ?

Il y a quelques années, le climatologue Lennart Bengtsson déclarait : « Le réchauffement que nous avons connu au cours des 100 dernières années est si minime que si nous n’avions pas eu les météorologues et les climatologues pour le mesurer, nous ne l’aurions pas remarqué du tout. »

Et voilà pourquoi on nous inonde de rapports, de tableaux et de graphiques très précis pour nous informer des changements que nous n’avons pas remarqués.

Qui se souvient de l’été dernier, quand nos chers médias (plus d’un milliard de subventions par an, rien que pour Radio-Canada/CBC) avaient annoncé avec enthousiasme qu’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous prévenait que le réchauffement de 1,5 degré Celsius (par rapport à l’époque préindustrielle, vers 1880) constituait un seuil catastrophique que nous devions à tout prix ne pas dépasser ? Voilà que nous apprenons maintenant que le Canada s’est réchauffé de 1,7 degré Celsius depuis 1948, nous avons donc allègrement dépassé ce seuil en deux fois moins de temps...

Loin de fuir ce pays devant une telle calamité, les Canadiens et le Québecois se sont enrichis, nous sommes en meilleure santé, vivons plus longtemps et notre niveau de vie a fortement augmenté. Une catastrophe ? Vraiment ?

En outre, dire que le Canada s’est réchauffé deux fois plus vite que la planète ne prouve pas grand-chose. À peu près tous les grands pays de la planète se sont réchauffé plus rapidement que la moyenne mondiale, car les pays sont sur terre, le sol. Or les océans couvrent 70 % de la Terre et le fonctionnement du système fait que, lorsque le climat se réchauffe, les continents se réchauffent plus vite que les océans. Donc, ces manchettes effrayantes ne font que confirmer que le Canada est sur le continent et non une étendue de mer. Ceci dit, il est vrai que le Grand-Nord se réchauffe plus que le Sud du Canada, mais est-ce grave ?

Aucune réserve ? Aucun aspect positif ?

Si la couverture médiatique vous rend anxieux, le meilleur antidote consiste à passer au chapitre quatre du rapport du ministère de l’Environnement et à commencer à le lire. La section sur les changements observés en 1948 est factuelle, centrée sur les données et résolument non alarmiste. Il faut cependant signaler que le rapport a comme dernières données celle de 2016, or 2016 a été une année d’El Niño fort, le résultat final des données est donc artificiellement élevé.

Certaines des cartes rouge vif du rapport auraient probablement un aspect différent si elles étaient arrêtées en 2014, par exemple. Quand les auteurs parlent d’attribuer des changements aux gaz à effet de serre par rapport à la variabilité naturelle, ils n’expliquent pas les incertitudes profondes inhérentes à de tels calculs. Et ils font des projections jusqu’à 2100 sans discuter de la qualité — parfois  médiocre — de leurs modèles de prévisions à long terme. Médiocrité pourtant avérée : les modèles informatiques ont tendance à surchauffer, nous avons maintenant assez de recul pour comparer les prévisions des modèles avec les observations satellitaires.

Le rapport indique à la page 119 qu’« Il y aura de plus en plus de degrés-jours de croissance (une mesure de la saison de croissance, importante pour l’agriculture) et moins de degrés-jours de gel (une mesure de la rigueur de l’hiver), un travail de concert avec le changement de la température moyenne. » Cela semble être deux bonnes nouvelles. Pourquoi les médias n’en ont-ils pas parlé ? Pour ne pas soutirer un soupir des lecteurs ou spectateurs qui préfèrent sans doute des hivers moins longs que l’interminable hiver de 2019...


Le rapport, dans le détail, est plus mesuré que les titres des médias et plus mesurés quand il relate les observations que dans ses prédictions. Alors que le rapport prédit : « Des températures plus élevées dans le futur contribueront à une augmentation de la possibilité d’incendies (“conditions météorologiques propices aux incendies”). Les précipitations extrêmes sont également projetées d’augmenter dans le futur », il tempère ces prédictions en rappelant que les « observation[s] n’[ont] pas encore montré des données probantes de changements cohérents dans les précipitations extrêmes de courte durée dans tout le pays. » Bref, les observations ne correspondent pas (à ce stade) avec les prédictions.

Le rapport devient toutefois sensationnel quand il se tourne vers l’avenir à long terme, principalement sur la base d’une sélection de modèles climatiques et de projections qui sont hors de portée de la plupart des humains, y compris de certains scientifiques. Un bon exemple est la projection du niveau de la mer jusqu’en 2100. Tous les adultes d'aujourd'hui seront sans doute morts, il est donc difficile de vérifier si les prédictions se vérifieront.

Parmi les problèmes liés à cette projection : dans certaines régions du Canada les terres s’élèvent alors que dans d’autres elles s’affaissent. Au Canada atlantique, où les masses continentales s’affaissent, l’élévation du niveau de la mer est plus importante qu'au Québec. Le niveau de la mer à Halifax, où les terres s'affaissent, monte depuis plus d’un siècle de 3,3 mm/an, soit 0,33 m par siècle. En général, le sol du Québec s’élève (voir illustration ci-dessus) et la hausse du niveau de la mer est (très) modérée (à Rimouski elle est de 0,6 mm/an soit 0,06 m par siècle...)



Comme pour la plupart des prédictions en climatologie, il existe des raisons de douter des prédictions apocalyptiques. C’est notamment le cas pour l’élévation du niveau de la mer. Bien que les médias aient répercuté les prédictions les plus catastrophistes, ces prédictions restent hautement hypothétiques, voire improbables.


Dans un article de l’année dernière, Judith Curry, spécialiste des sciences du climat des États-Unis, a averti que « les valeurs extrêmes d’une éventuelle élévation du niveau de la mer sont considérées comme extrêmement improbables ou tellement improbables qu’on ne peut même pas leur attribuer une probabilité ».

Voir aussi

Les « changements climatiques », une des causes de la guerre en Syrie... Vraiment ?

Climat — contrairement aux prévisions, aucune accélération à la hausse du niveau de la mer

Écologisme — la revue Nature reconnaît l’échec des modèles prédictifs informatiques

Climat — Le point de rupture à nouveau reporté ? (liste de prédictions apocalyptiques passées [et divergentes] en matière de climat)

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